Décadence en Artois
Cette année, l'université d'Artois ne présentera que 16 candidats à l'oral du CAPES d'histoire-géographie. C'est évidemment un chiffre catastrophique en comparaison des 25 à 35 admissibles des trois dernières années. Ceci n'est pas anecdotique, car le chiffre des reçus au Capes est un indicateur de la qualité de la formation d'une fac, dont les finalités sont en grande partie la formation aux métiers de l'enseignement, principal débouché des études d'histoire. Avec 16 admissibles, on ne peut espérer guère plus de huit PLC2 estampillés "université d'artois" à la rentrée 2007. Comment expliquer un tel fiasco?
La faillite de l'université est avant tout la faillite de sa politique néfaste de recrutement. Combien de jeunes (et de moins jeunes) enseignants talentueux n'ont fait que passer, écartés par des mandarins aussi dépassés qu'agrippés à leur chaire? De même, le fait de confier des cours à d'anciens étudiants peu connus pour leur talent et leur assiduité au travail en dit long sur la politique actuelle de la fac : faire des économies de bouts de chandelles en payant des incapables au lance-pierre (de plus les incapables en question ne feront pas d'ombre aux mandarins, pas de risque à ce niveau là!), plutôt que de recruter de jeunes agrégés passionnés et compétents qui ne demanderaient que ça. Comment des gens qui ont échoué 3 fois aux écrits du Capes pourraient-ils former efficacement des étudiants en vue du concours??
On voit le résultat : un enseignement qui se dégrade petit à petit, un véritable nivellement par le bas et une licence qui s'apparente à un chiffon de papier. Résultat : les étudiants arrivent sans véritables repères, ni en EOD, ni en geographie (qu'ils n'ont pas pratiqué assez) et avec des lacunes béantes en histoire et en méthodologie. Pis, ils arrivent avec de fausses certitudes qu'une licence facilement acquise leur a donnée. De fait, ils sous estiment gravement ce qu'est la réalité du concours, et dès les premières difficultés, c'est le massacre. Pas évident de passer d'un système où il suffit d'avoir 10 de moyenne avec moult compensations et rattrapages à un autre où la sélection s'effectue sur 2 épreuves de 5 heures, qui plus est, à élimination directe!
La faute en incombe également aux étudiants. Il est éloquent de constater que la plupart des admis sont des doublants ou des triplants, voire plus. En bref, des gens expérimentés qui ont pu se frotter à la réalité du concours et s'aguerrir. Mais surtout des étudiants des promotions antérieures. J'ai souvent dit qu'après ma promo, qui était il est vrai d'un bon cru, et dans une moindre mesure celle qui suivait, les neo-étudiants qui arrivaient chaque année étaient d'un niveau catastrophique. De moins en moins de culture générale, et des résultats abominables pour un DEUG 1 pourtant d'une facilité indigente pour qui s'en donne la peine. Il existe évidemment de bons éléments dans chacune des promotions qui nous ont succédé, personne ne dira le contraire. Mais il est indéniable que le niveau a bien baissé, et les conséquences ne commencent à être rééllement visibles qu'au révélateur du Capes.
La présence d'un sujet d'ancienne a aussi joué son rôle dans cet échec massif. L'histoire ancienne est élitiste, passionnante mais élitiste. Il faut du temps pour comprendre les gens de cette époque, cela demande de se frotter régulièrement aux sources, c'est indispensable pour réellement comprendre cette époque, et a fortiori, traiter un sujet comme "être romain". Comment peut on parler du fait d'"être romain" sans comprendre ce qui fait qu'un homme se dit romain ou aspire à le devenir? Or les étudiants, et de nombreux enseignants, méprisent l'histoire ancienne, c'est ainsi. C'est trop vieux, c'est pas interessant, ça sert à rien disent-ils comme pour excuser leur incapacité à appréhender la période. On préférera la contemporaine, bien plus interessante et plus facile (du moins le croient-ils ces naïfs), d'ailleurs, ils ont écrit l'histoire de Trou-sur-bled sous la présidence Fallières grâce aux archives de leur mairie durant leur année de maîtrise. Une révolution historiographique à n'en pas douter... Conséquence de ce mépris pour l'histoire ancienne, on en fait par dessus la jambe (parfois avec des enseignants d'une médiocrité absolue ce qui n'arrange rien) et on est absolument incompétent en la matière une fois parvenu au Capes. Dès lors, ce n'est pas en 4 ou 5 semaines qu'on peut rattraper le temps perdu, de plus, on révise par dessus la jambe, vu que l'ancienne ça ne tombe jamais c'est bien connu. N'empêche que cette année c'est tombé, et il y a encore du sang sur les murs de la salle d'examen...
A la lumière de ces faits, on peut raisonnablement s'nquiéter de l'avenir de l'Université d'Artois. On peut raisonnablement imaginer que si les années de vaches maigres venaient à se succèder, l'université verrait son recrutement s'appauvrir rapidement, en qualité comme en quantité, jusqu'à devenir à terme, une "boîte à licence" sans labo de recherche, sans formation au Capes.